Nê. Fu. Yâ., les mousses d’alpage de la Brasserie de la Grue
18.08.2021

Nê. Fu. Yâ., les mousses d’alpage

Brasserie de la Grue


Nê. Fu. Yâ., les mousses d’alpage

Par Christelle Grangier

C’est dans un chalet d’alpage sur les hauts d’Albeuve que Martin Ecoffey a choisi de brasser ses bières, dans une chaudière, au feu de bois.
 

Noir, feu, or, la Brasserie de la Grue élabore son nuancier de bières dans un chalet d’alpage à 1360 mètres d’altitude. Nê. Fu. Yâ., du patois qui pétille sur la langue pour nommer ces bières du terroir au goût légèrement fumé, déclinées en stout, ambrée et blonde. On traverse les pâturages pour retrouver Martin Ecoffey, brasseur en alpage.

Des bulles en hauteur

Le trintsâbyo d’un chalet situé sur les contreforts de la Dent de Lys change d’affectation à la belle saison : de la fabrication traditionnelle du fromage, il passe à celle de la bière brassée au feu de bois. A pied d'œuvre devant la chaudière, Martin Ecoffey prépare des breuvages singuliers, avec patience et passion. Une soif de proposer des produits qui lui ressemblent, authentiques et subtils.

 

Retourner à l’essentiel

Martin Ecoffey a grandi dans l’Intyamon. Dès l’adolescence, il passe ses étés à l’alpage, au chalet de Lys, même durant les deux courtes semaines qu’il s’accordait durant l’été pendant son apprentissage de mécanicien sur machines agricoles. Par-dessus tout, il aime la proximité avec la montagne, avec les bêtes, mais également la rudesse et le mode de vie élémentaire et sauvage imposés par l’alpage. Pour le jeune homme, ce changement de rythme est des plus intéressants et des plus vivifiants : “J’aime comme les choses simples prennent du temps”. Comme pour la bière, en somme. 

Les ferments

Ses premiers brassins, Martin les concocte au sortir de l’adolescence, dans le garage de ses parents. Il passe plusieurs années à brasser des cuvées d’une trentaine de litres pour partir à la découverte de la fermentation, pour expérimenter les dosages et élaborer ses propres recettes. En 2016, au moment de partir pour la saison estivale dans un chalet d’alpage au-dessus de Jaun, il emporte avec lui son matériel de brasseur pour faire un essai dans un chaudron. Le résultat séduit le brasseur chez qui l’idée de systématiser le processus commence à germer. Un cours de brassage au Québec où il confirme ses connaissances finit de le convaincre: la Brasserie de La Grue naît en 2017.

 


A 1360 m

 La question du lieu est rapidement réglée: les oncles de Martin Ecoffey possèdent un chalet au-dessus des Prés-d’Albeuve. Accessible entre mai et octobre, l’endroit est idéal. En contrepartie, Martin effectue des travaux sur le bâtiment, rafraîchit les installations, installe des panneaux solaires sur le toit. Puis, il se jette à l’eau. “Avoir brassé seul durant de nombreuses années, ça forge!”, ce qui ne l’empêche pas de profiter des conseils avisés des Valaisans de la Brasserie Celsius, à Ayent. “Ils étaient passés par le même chemin que moi quelques années auparavant; nos échanges m’ont évité bien des erreurs.”

Une fenêtre de quelques mois pour produire

 La saison de brassage est relativement courte pour Martin. Les bonnes années, il peut débuter en avril, une fois l’accès au chalet libéré de la neige. Il a le temps de préparer quelques brassins avant la montée des bêtes, entre mai et juin. Évitant de fabriquer lorsque le bétail est stationné au chalet, il reprend sa production après la remue de juillet, jusqu’en octobre.

Brasser au feu de bois

L’entier du processus de brassage et de fermentation se déroule à l’alpage. Le feu crépite sous le chaudron, la fabrication peut commencer. Les malts sont infusés à différents paliers de température afin d’en extraire les arômes, les sucres et l’amidon. Ce sont les malts qui donnent la couleur de la bière. Après infusion, Martin revalorise les résidus riches en sucres en les donnant aux génisses – “au début, elles sont dubitatives, dès qu’elles y ont goûté, elles se pressent pour en avoir”. Le moût obtenu après infusion est chauffé jusqu’à ébullition pour stériliser le mélange. Aux premiers frémissements, le brasseur y ajoute une partie du houblon qui apporte des arômes et détermine l’amertume du mélange. Peu avant la fin du brassage, Martin complète son mélange avec un second ajout de houblon. Les huiles essentielles qui sont libérées à ce moment-là vont à la fois aider à la conservation et donner un goût floral ou fruité selon les sortes.
 


Un nouveau départ

Une fois refroidi, le liquide mis en cuve est ensemencé de levures et la fermentation peut débuter. La mise en bouteille est programmée au terme de la phase de fermentation. Cette étape est organisée à Montbovon, dans les nouveaux locaux de la brasserie. Dès septembre 2021, Martin Ecoffey offre une nouvelle ère à sa Brasserie de la Grue. En parallèle à sa production estivale de bières d’alpage, il lance une gamme de produits fabriqués à Montbovon à toute saison. Sa philosophie quant à la provenance des ingrédients de base reste la même, “j’essaie de me fournir en bio le plus proche possible”. Martin achète son houblon bio à un producteur broyard et l’orge brassicole vient de la région de Bavois (VD), où se trouve la malterie la plus proche. Les premières bières “de plaine” pourront être dégustées dès octobre 2021.

Bien entouré

 Pour l’épauler, Martin Ecoffey peut compter sur le soutien de ses proches. “Amélia, ma compagne, m’épaule et m’aide chaque jour; elle m’écoute et me suit dans mes projets en parallèle à son travail.” C’est Julie, la sœur de Martin, qui a habillé les bouteilles et créé le site internet de la Brasserie de La Grue. Florian, son frère, aiguille Martin en termes de vente et de marketing, “un soutien stratégique et coach commercial”.

Trouver les bières de La Grue

Conditionnées en 33 cl, les bouteilles de Nê. (stout, amertume discrète, légères notes fumées et de café), de Fu. (rousse, florale, fruitée) et de Yâ. (blonde, intense et équilibrée) se trouvent dans de nombreux commerces de proximité et restaurants en Gruyère principalement. Les listes de points de vente et de produits – mises à jour sur le site de la Brasserie – vont s’étoffer au fil des mois et permettre à La Grue de poursuivre son envol.